domingo, outubro 15, 2006
Mon Paganisme n’a rien de spiritualiste ni de mystique ; il est charnel, vécu, je dirais : poétique et totalement personnel.
Pièce-jointe : Entretien de G. Faye. Extraits.
Source : revue Antaïos n°XVI (printemps 2001)
Mon Paganisme n’a rien de spiritualiste ni de mystique ; il est charnel, vécu, je dirais : poétique et totalement personnel. Mon itinéraire est tout sauf "spirituel", il est bien plutôt purement sensuel. La richesse du Paganisme, que ne possède aucune autre "religion", c’est qu’on y trouve une extraordinaire pluralité de sensibilités : du Paganisme des bois et de l’enracinement, à celui du déchaînement de la technoscience ; du Paganisme des brumes de la lande à celui des divinités du feu solaire. Du paganisme des fontaines et des nymphes à celui du bruissement sourd des batailles, de celui du chant des fées ou du galop des lutins dans les sous-bois à celui du tonnerre des réacteurs, de celui des grands Dieux tutélaires à celui des lares. Mais le génie du Paganisme, c’est de rassembler dans une totalité cosmique et organique l’ensemble des passions humaines, avec leurs misères et leurs grandeurs. Le paganisme est bien le miroir du monde vivant. Pour moi, le Paganisme est d’abord poésie, esthétique, exaltation et intuition. En aucun cas, théorie, chapelle ou instrumentalisation. C’est pour moi l’essence même de la force vitale, du vouloir-vivre. La vie est l’efficacité, la production historique. L’histoire retient les res gestae, les actes, pas la contemplation abstraite et dandy pour des théories inutiles, balayées par l’oubli. Seul le faire est efficace et, seul, il est le but de la pensée comme des mouvements esthétiques de l’âme. Le Paganisme n’est ni dissertation savante, ni "connaissances" froides, mais attitudes pour l’action. Pour moi, il est immersion dans la vie, pratique qui transforme le monde. Ce ne sont jamais les mots qui comptent d’abord, ni les idées, mais les actes concrets auxquels ces mots et ces idées conduisent. Une idée n’est pas intéressante parce qu’elle est brillante en elle-même mais si elle donne lieu à une modification d’un état de fait, à une incarnation dans un projet : tel est le centre de l’épistémologie païenne ; à l’inverse de l’épistémologie judéo-chrétienne, où l’idée ne vaut qu’en elle-même, où les contingences matérielles, les impératifs de l’urgence, le réel sont méprisés. J’ai toujours été frappé par le fait que les Paganismes gréco-latin, germanique, ou celtique, n’avaient rien de méditatif ou de contemplatif. Ils étaient éminemment actifs, politiques et guerriers. (…)
Mon Paganisme n’est pas réactif mais positif. Je ne suis pas anti-chrétien mais pré et post-chrétien. Je ne tire pas sur les ambulances, je n’ai pas de comptes à régler. Le Paganisme a précédé le Christianisme et survivra à sa disparition dans le cœur des Européens. Ma conviction tranquille est que le Paganisme est éternel. Il s’organise autour de 3 axes : l’enracinement dans la lignée et le terroir, l’immersion dans la nature et ses cycles éternels, et une "quête" qui peut être une ouverture à l’invisible comme une recherche aventureuse et "désinstallée". En ce sens, il est la plus ancienne et plus naturelle des religions du monde. Il a profondément innervé l’âme européenne. À l’inverse des monothéismes, on peut même dire que c’est la plus authentique des religions du monde puisqu’elle "relie" les hommes d’une même communauté dans le monde réel et concret. Ce qui signifie que les traits majeurs du Paganisme sont l’union du sacré et du profane (Le profane, dira Claudel, c’est ce que nous profanons), une conception cyclique ou sphérique du temps (à rebours des eschatologies du salut et du progrès, dans lesquelles le temps est linéaire et se dirige vers une fin salvatrice de l’histoire), le refus de considérer la nature comme une propriété de l'homme qu'il pourrait exploiter et détruire à sa guise, l’alternance de la sensualité et de l’ascèse, l'apologie constante de la force vitale, l’idée que le monde est incréé et se ramène au fleuve du devenir sans commencement ni fin, le sentiment tragique de la vie et le refus de tout nihilisme, le culte des ancêtres, de la lignée, de la fidélité aux combats, aux camarades, aux traditions (sans sombrer dans le traditionalisme muséographique), le refus de toute vérité révélée universelle et donc de tout fanatisme, de tout fatalisme, de tout dogmatisme et de tout prosélytisme de contrainte. Ajoutons que dans le Paganisme se remarque sans cesse l’ "opposition des contraires" au sein de la même unité harmonique, l’inclusion de l’hétérogène dans l’homogène.
J’ajoute que la morale païenne, celle par ex. d’un Marc-Aurèle, comporte certainement des exigences bien supérieures à celles du Christianisme. Le paganisme auquel je me réfère réclame de l’homme une maîtrise de soi, un respect des règles de la communauté et de l’ordre vital qui ne sont pas intéressées par la logique intéressée punition/récompense d’un Dieu omnipotent mais vécus de l’intérieur, psychologiquement intégrés comme "devoirs" nécessaires. (…) Je suis façonné par 2 versions du Paganisme parfaitement opposées et complémentaires : un Paganisme de la nature et un Paganisme de la puissance, de l’artifice, de l’arraisonnement du monde, tous les 2 aussi émotionnels. (…) L’Europe n’a jamais cessé d’être taraudée par son inconscient païen : toute la poésie européenne en témoigne, de même que les arts plastiques. (…) Plus que toute autre religion, le Paganisme est à la fois garant de l’ordre social, de l’ordre cosmique et naturel, garant de la pluralité des croyances et des sensibilités. Il repose sur la logique du "chacun chez soi" et non sur le fantasme de la mixité universaliste chaotique. Son modèle social associe étroitement les notions de justice, d’ordre et de liberté, ces dernières étant fondées sur la discipline. Il part du principe que l’humanité est diverse, et nullement destinée à s’unifier, que l’histoire est un devenir imprévisible et sans fin. Il suppose, à l’inverse des monothéismes, une humanité hétérogène composée de peuples homogènes, l’essence du politique étant la constitution de l’homogénéité de la Cité, sacralisée par les divinités, dans laquelle l’identité se confond absolument avec la souveraineté. Organique et holiste, la vision païenne du monde considère les peuples comme des communautés de destin. Ainsi qu’on le vit dans le Paganisme grec, la notion de Cité, soudée par le patriotisme et l’identité commune (reflet des divinités et de la nature) est fondamentale dans le Paganisme, où les divinités tutélaires avaient une dimension essentiellement politique et enracinée. (…) Aujourd’hui, en Europe, c’est à la naissance d’un néo-paganisme que nous devons nous attendre. Il est impossible d’en prévoir ou d’en décréter les formes.
Pièce-jointe : Entretien de G. Faye. Extraits.
Source : revue Antaïos n°XVI (printemps 2001)
Mon Paganisme n’a rien de spiritualiste ni de mystique ; il est charnel, vécu, je dirais : poétique et totalement personnel. Mon itinéraire est tout sauf "spirituel", il est bien plutôt purement sensuel. La richesse du Paganisme, que ne possède aucune autre "religion", c’est qu’on y trouve une extraordinaire pluralité de sensibilités : du Paganisme des bois et de l’enracinement, à celui du déchaînement de la technoscience ; du Paganisme des brumes de la lande à celui des divinités du feu solaire. Du paganisme des fontaines et des nymphes à celui du bruissement sourd des batailles, de celui du chant des fées ou du galop des lutins dans les sous-bois à celui du tonnerre des réacteurs, de celui des grands Dieux tutélaires à celui des lares. Mais le génie du Paganisme, c’est de rassembler dans une totalité cosmique et organique l’ensemble des passions humaines, avec leurs misères et leurs grandeurs. Le paganisme est bien le miroir du monde vivant. Pour moi, le Paganisme est d’abord poésie, esthétique, exaltation et intuition. En aucun cas, théorie, chapelle ou instrumentalisation. C’est pour moi l’essence même de la force vitale, du vouloir-vivre. La vie est l’efficacité, la production historique. L’histoire retient les res gestae, les actes, pas la contemplation abstraite et dandy pour des théories inutiles, balayées par l’oubli. Seul le faire est efficace et, seul, il est le but de la pensée comme des mouvements esthétiques de l’âme. Le Paganisme n’est ni dissertation savante, ni "connaissances" froides, mais attitudes pour l’action. Pour moi, il est immersion dans la vie, pratique qui transforme le monde. Ce ne sont jamais les mots qui comptent d’abord, ni les idées, mais les actes concrets auxquels ces mots et ces idées conduisent. Une idée n’est pas intéressante parce qu’elle est brillante en elle-même mais si elle donne lieu à une modification d’un état de fait, à une incarnation dans un projet : tel est le centre de l’épistémologie païenne ; à l’inverse de l’épistémologie judéo-chrétienne, où l’idée ne vaut qu’en elle-même, où les contingences matérielles, les impératifs de l’urgence, le réel sont méprisés. J’ai toujours été frappé par le fait que les Paganismes gréco-latin, germanique, ou celtique, n’avaient rien de méditatif ou de contemplatif. Ils étaient éminemment actifs, politiques et guerriers. (…)
Mon Paganisme n’est pas réactif mais positif. Je ne suis pas anti-chrétien mais pré et post-chrétien. Je ne tire pas sur les ambulances, je n’ai pas de comptes à régler. Le Paganisme a précédé le Christianisme et survivra à sa disparition dans le cœur des Européens. Ma conviction tranquille est que le Paganisme est éternel. Il s’organise autour de 3 axes : l’enracinement dans la lignée et le terroir, l’immersion dans la nature et ses cycles éternels, et une "quête" qui peut être une ouverture à l’invisible comme une recherche aventureuse et "désinstallée". En ce sens, il est la plus ancienne et plus naturelle des religions du monde. Il a profondément innervé l’âme européenne. À l’inverse des monothéismes, on peut même dire que c’est la plus authentique des religions du monde puisqu’elle "relie" les hommes d’une même communauté dans le monde réel et concret. Ce qui signifie que les traits majeurs du Paganisme sont l’union du sacré et du profane (Le profane, dira Claudel, c’est ce que nous profanons), une conception cyclique ou sphérique du temps (à rebours des eschatologies du salut et du progrès, dans lesquelles le temps est linéaire et se dirige vers une fin salvatrice de l’histoire), le refus de considérer la nature comme une propriété de l'homme qu'il pourrait exploiter et détruire à sa guise, l’alternance de la sensualité et de l’ascèse, l'apologie constante de la force vitale, l’idée que le monde est incréé et se ramène au fleuve du devenir sans commencement ni fin, le sentiment tragique de la vie et le refus de tout nihilisme, le culte des ancêtres, de la lignée, de la fidélité aux combats, aux camarades, aux traditions (sans sombrer dans le traditionalisme muséographique), le refus de toute vérité révélée universelle et donc de tout fanatisme, de tout fatalisme, de tout dogmatisme et de tout prosélytisme de contrainte. Ajoutons que dans le Paganisme se remarque sans cesse l’ "opposition des contraires" au sein de la même unité harmonique, l’inclusion de l’hétérogène dans l’homogène.
J’ajoute que la morale païenne, celle par ex. d’un Marc-Aurèle, comporte certainement des exigences bien supérieures à celles du Christianisme. Le paganisme auquel je me réfère réclame de l’homme une maîtrise de soi, un respect des règles de la communauté et de l’ordre vital qui ne sont pas intéressées par la logique intéressée punition/récompense d’un Dieu omnipotent mais vécus de l’intérieur, psychologiquement intégrés comme "devoirs" nécessaires. (…) Je suis façonné par 2 versions du Paganisme parfaitement opposées et complémentaires : un Paganisme de la nature et un Paganisme de la puissance, de l’artifice, de l’arraisonnement du monde, tous les 2 aussi émotionnels. (…) L’Europe n’a jamais cessé d’être taraudée par son inconscient païen : toute la poésie européenne en témoigne, de même que les arts plastiques. (…) Plus que toute autre religion, le Paganisme est à la fois garant de l’ordre social, de l’ordre cosmique et naturel, garant de la pluralité des croyances et des sensibilités. Il repose sur la logique du "chacun chez soi" et non sur le fantasme de la mixité universaliste chaotique. Son modèle social associe étroitement les notions de justice, d’ordre et de liberté, ces dernières étant fondées sur la discipline. Il part du principe que l’humanité est diverse, et nullement destinée à s’unifier, que l’histoire est un devenir imprévisible et sans fin. Il suppose, à l’inverse des monothéismes, une humanité hétérogène composée de peuples homogènes, l’essence du politique étant la constitution de l’homogénéité de la Cité, sacralisée par les divinités, dans laquelle l’identité se confond absolument avec la souveraineté. Organique et holiste, la vision païenne du monde considère les peuples comme des communautés de destin. Ainsi qu’on le vit dans le Paganisme grec, la notion de Cité, soudée par le patriotisme et l’identité commune (reflet des divinités et de la nature) est fondamentale dans le Paganisme, où les divinités tutélaires avaient une dimension essentiellement politique et enracinée. (…) Aujourd’hui, en Europe, c’est à la naissance d’un néo-paganisme que nous devons nous attendre. Il est impossible d’en prévoir ou d’en décréter les formes.